El Diario Francés Journal de Dimanche nos entrevistó acerca de la situación de frontera

Le Venezuela plus seul que jamais face à la crise

Les Vénézuéliens ne pourront plus venir se ravitailler en Colombie. La ministre colombienne des Affaires étrangères a prévenu lundi qu’elle n’ouvrirait plus ses frontières, laissant le Venezuela embourbé dans une pénurie historique.

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Les familles vénézuéliennes avaient enfin pu acheter de l’huile, de la farine ou du papier toilette, le week-end dernier, dans les supermarchés colombiens. En ouvrant sa frontière, la Colombie avait autorisé des milliers de Vénézuéliens à se ravitailler en produits de première nécessité. Mais lundi, la ministre des Affaires Étrangères de Colombie, María Ángela Holguín, a mis le holà à ces mesures exceptionnelles. «Il n’y aura plus une seule journée comme celles qui viennent de se passer ces derniers week-ends», a-t-elle annoncé.

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Les raisons de la fermeture de la frontière

La Colombie refuse d’ouvrir à nouveau sa frontière à cause du risque de trafic de contrebande et de drogue. Lors d’une réunion ce lundi, la ministre colombienne a expliqué que la frontière entre la Colombie et le Venezuela serait fermée tant que ce ne sera pas «une frontière dont nous contrôlons tous les problèmes liés aux différentes bandes et structures criminelles qui opèrent dans ces zones».

Le trafic dans la région avait déjà causé la fermeture de la frontière il y a près d’un an. Nicolas Maduro avait alors décidé unilatéralement de fermer le passage vers la Colombie, après que des gardes-frontières vénézuéliens ont été attaqués par des trafiquants de drogue. Mais aujourd’hui, ce ne sont plus des dealers qui tentent de forcer la frontière : ce sont des Vénézuéliens qui ont faim. Certains d’entre eux ont réussi à percer les barrages des gardes-frontières le 5 juillet dernier. Environ 500 femmes s’étaient alors ruées en courant sur le poste frontalier, pour atteindre Cúcuta, une ville toute proche de la frontière, et y acheter de l’huile, de la farine ou du sucre.

Les Vénézuéliens suffoquent

Près de 80% des produits de première nécessité sont quasi-introuvables au Vénézuéla, d’après l’institut de sondages Datanalisis. La lessive, le papier toilette, le riz : tout manque. Face aux étagères vides de leurs supermarchés, les Vénézuéliens sont prêts à faire des heures de route pour se ravitailler. Alors quand Nicolas Maduro a autorisé exceptionnellement l’ouverture de la frontière avec la Colombie, c’est un flux massif d’habitants qui sont arrivés dans les commerces voisins. «A cette heure-ci [16h, dimanche dernier], il rentre 60 Vénézuéliens par minute», témoigne sur Twitter un policier colombien chargé de contrôler les entrées à la frontière :

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En une journée, dimanche dernier, 130.000 Vénézuéliens ont traversé la frontière, et la ville de Cúcuta en a accueilli à elle seule près de 30.000. Parmi eux, Luis Raúl López. Après 32 heures de bus depuis Caracas, il a raconté au JDD avoir pu acheter de l’amlodipine, un traitement contre l’hypertension artérielle pour sa mère, six litres d’huile, six kilos de farine pour sa femme, vendeuse d’arepas – une spécialité locale, à base de farine de maïs – et du lait, pour sa dernière fille. “Mais je n’ai pas résisté à la tentation d’acheter en plus cinq kilos de sucre. Il me manquait dix mille pesos [ndlr : 3,10 euros], et c’est une colombienne qui me les a donnés. La pénurie au Venezuela est telle que je me suis dit que je devais prendre tout ce que je pouvais pour les mois à venir.”  Un père de famille, interrogé par une journaliste colombienne, sanglotait : «Merci aux Colombiens de nous donner la main. Je viens de San Cristóbal. Je viens ici parce qu’il n’y a plus rien au Venezuela. Absolument rien. Hier un établissement a été vandalisé près de chez moi, parce qu’il n’y a plus rien.»

Une jeune fille, Ana Maria Rodriguez, a attendu depuis trois heures du matin dimanche dernier pour passer la frontière et aller faire ses courses à Cúcuta. Dans son caddie, surtout du papier toilette, désormais impossible à trouver à San Cristóbal. Si la Colombie leur a offert une bouffée d’air le temps d’un week-end, ils se retrouvent maintenant seuls, au Venezuela, face à la pénurie. Apprendre que la frontière ne réouvrirait pas a été un coup de massue.

Pourquoi certains Colombiens ne veulent-ils pas des Vénézuéliens?

A priori, les Colombiens ont tout intérêt à accueillir leurs voisins en mal de nourriture et de médicaments. Le secteur du commerce a vendu pour environ cinq milliards de pesos supplémentaires le week-end dernier, grâce aux achats des Vénézuéliens. “Même s’ils viennent avec très peu d’argent, ils sont très nombreux à venir faire leurs courses le dimanche et ça donne un flux d’argent très conséquent qui profite à nos commerçants”, concède Carmen Elisa Ortiz Caselles, directrice générale du centre commercial Unicentro, de Cúcuta, interrogée par le JDD. “Cependant, la ville voit se développer de graves problèmes d’insécurité et une grande partie des délinquants arrêtés sont Vénézuéliens, et là nous avons une sérieuse difficulté”, ajoute-t-elle aussitôt. Pour elle, le problème viendrait surtout du manque de contrôles à la frontière. “Les Vénézuéliens arrivent en Colombie dans un grand tumulte, et on ne leur demande pas de présenter des papiers, ce dont beaucoup profitent pour rester en Colombie, provoquant de graves problèmes sociaux, comme le chômage et l’insécurité, s’inquiète Carmen Elisa Ortiz Caselles. C’est comme si l’Europe faisait la même chose avec des centaines de milliers de réfugiés syriens. La Colombie doit exiger un passeport et un visa, et établir des restrictions comme le font tous les pays.”

Entre solidarité et méfiance, le coeur des Colombiens balance. Si les gestes de solidarité des Colombiens ont été largement exposés sur les réseaux sociaux – comme cette photo d’un garde colombien et d’un Vénézuélien s’enlaçant – d’autres regrettent la venue de leurs voisins. «Ces Chavistes qui se plaignent parce qu’on ne les laisse pas entrer à Cúcuta, qu’ils demandent leur nourriture à Maduro», lance Ana Patricia. Elle reproche aux Vénézuéliens d’avoir vidé les rayons des supermarchés alentour. En effet, les stocks de sucre, de farines, de graines et d’huile ont été épuisés après le week-end dernier.

«Cette liste, le gouvernement la connaît déjà. Nous sommes confiants quant au fait que ces produits seront de nouveau dans nos inventaires avant la fin de la journée», assurait lundi la directrice de la Fédération Nationale des Commerçants, Gladys Navarro. Selon les autorités, il y en avait déjà très peu avant le passage des Vénézuéliens, à cause de la grève des routiers qui se prolonge depuis plus de quarante jours, et qui empêche le réapprovisionnement de la ville. Et avec la pénurie qui contamine les villes frontalières en Colombie, les prix augmentent. D’après La Opinión, un journal local, «les fruits, les légumes et d’autres aliments de base voient leurs prix augmenter à Cúcuta à cause de la grève nationale des routiers.» Entre cette grève qui n’en finit pas et la venue massive des Vénézuéliens, la Colombie semble inquiète de voir la pénurie, comme la peste, se propager au-delà de sa frontière.

Megane De Amorim – leJDD.fr | mercredi 20 juillet 2016

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